Lucien Fradin

Wulverdinghe

 

résidence au théâtre de poche

« Wulverdinghe est un village situé dans les Flandres françaises.
Wulverdinghe est une nouvelle tentative de s’intéresser au monde en partant de l’intime. Après Eperlecques, dans lequel je racontais mon adolescence, je prends un nouveau village prétexte, celui cette fois de ma grand-mère.
Faire entrer le récit intime dans la Grande Histoire est l’un de mes axes de travail. Ma Mamie est née en 1939, elle est mon lien le plus direct avec cette Histoire que je n’ai pas connu. Ma grand-mère est catholique, rebouteuse et pratiquante du Reiki. Elle ne se reconnaît en rien dans les luttes de la Manif pour tous et autres Civitas. Avec Wulverdinghe, je cherche à comprendre comment les mêmes croyances peuvent engendrer des rapports au monde différents.
Dans ma rue lilloise, il y a un an environ est apparu le tag suivant :
« Les sorcières contre l’impunité policière ». Les sorcières sont de retour.
De nombreuses féministes se réapproprient ce mot, comme les LGBT le mot « queer », une façon de retourner le stigmate, d’en faire un outil de lutte contre les dominations. On a pu entendre le slogan : « nous sommes les descendantes des sorcières que vous n’avez pas réussi à brûler ». Alors ma grand-mère serait une sorcière catholique. Dans les Flandres françaises, dans lesquelles se trouvent Wulverdinghe, les rebouteux et rebouteuses sont nombreux.ses, on les visite encore mais en cachette. Leurs pratiques sont un savant mélange entre pratiques païennes et prières catholiques : des rebuts peut-être de la sorcellerie.
Depuis Eperlecques, je me questionne sur une esthétique de la bienveillance. Comment emmener les spectateurs.trices vers une histoire où tout peut être dit ? Comment ne plus jouer pour celles et ceux avec qui on est déjà d’accord mais aussi pour tous les autres ? De quelle manière l’écriture théâtrale peut-elle devenir un espace de réconciliation ?
Il s’agit alors de ne plus penser la sorcière comme une figure malveillante, mais une personne cherchant à trouver dans son environnement ce qui peut résoudre des problèmes : les plantes, les incantations, les cérémonies en groupe, etc. Et voir ensuite comment je peux à mon tour m’approprier cette façon d’être au monde.
Dans son ouvrage Rêver l’obscur. Femmes, magie et politique, Starhawk propose des rituels mystiques mais aussi des façons d’organiser la parole dans les groupes, d’utiliser la bienveillance comme outil politique, de résister de manière pacifiste. Cette féministe anti-nucléaire étasunienne des années 80 offre alors une nouvelle image de tous les biais par lesquels peuvent passer les pratiques de « sorcières » ».
– Lucien Fradin

 

période de résidence : du 3 au 12 décembre 2018 / représentations les J.7 + V.8 + S.9 mars 2019

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